Je suis orthophoniste, diplômée depuis 2004. J’ai d’emblée exercé en cabinet de groupe avec des collègues orthophonistes également et un médecin ORL. Je suis restée en exercice libéral exclusif jusqu’en 2017. A partir de cette période, j’ai souhaité me diriger vers un exercice plus collégial encore, ce qui m’a poussée vers le salariat sur un petit quart de temps en plus du cabinet. Au moment où j’ai souhaité me rapprocher de mon domicile, j’ai commencé à regarder du côté des maisons de santé pour une éventuelle future installation, de préférence en MSP. Le hasard ayant bien fait les choses et une MSP étant en cours de constitution à proximité de mon domicile, je me suis dirigée sur ce projet. J’étais dans cet état d’esprit lorsque la question de la création d’une CPTS s’est posée. Le projet m’a donc attirée. Cela permet effectivement d’étendre l’exercice partagé à un secteur bien plus large que la commune et ses environs proches, comme une sorte de grande MSP étendue à tout un territoire.
J’exerce dans une zone où l’offre de soins est très insuffisante en comparaison du nombre d’habitants. Pour les orthophonistes, le zonage nous classe en zone très sous dotée. Les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous sont extrêmement longs. Quand, dans le meilleur des cas, une prise de rendez-vous est possible car ce n’est pas toujours le cas.
La situation est critique également pour les autres professionnels.
Nous n’en sommes qu’au début (stade de la rédaction du pré-projet) mais je vois ce projet comme un moyen d’aider à apporter des réponses à un contexte qui s’aggrave (sentiment d’isolement des professionnels, faible attractivité du territoire, aspect décousu des prises en charge des patients, difficultés d’accès aux soins pour les patients, etc…).
La CPTS permet de mener des actions de prévention et de développer le dépistage (au niveau de la relation patient/professionnel ainsi que sur un plan plus collectif à l’échelle d’une population), de renforcer les relations ville-hôpital, les relations avec les acteurs sociaux, d’améliorer l’organisation des soins sur le territoire (en structurant davantage les parcours de soins) et leur qualité, de contribuer à l’attractivité du territoire, de réduire le sentiment d’isolement qui peut être très vif en zone très sous-dotée, etc…
Cela permet aussi de mieux se connaître entre différents professionnels (et donc d’élargir aussi ses points de vue), de pouvoir travailler en commun au-delà de son périmètre géographique immédiat, de ne pas faire face seul aux situations complexes, d’améliorer les conditions de travail, de participer à l’élaboration de projets de santé, etc…
Tout le temps consacré aux échanges interprofessionnels (qui sont souvent très chronophages et parfois décousus) et à la prévention est reconnu et mieux structuré. La CPTS permet d’obtenir un financement également pour toutes ces actions ce qui n’est absolument pas le cas en exercice libéral classique isolé (ce qui est donc un frein important).
C’est certes du temps passé au départ (qui peut effrayer) mais en se plaçant dans une logique à moyen et long terme c’est à mon avis un vrai gain en efficacité. Cela permet, tout en étant financé de se regrouper et de pouvoir mieux organiser les parcours.
Anne-Charlotte SCHEPENS (Orthophoniste en Isère)